ISAAC NEWTON
En quoi les découvertes des travaux de Newton en physique ont-elles modifié notre perception du monde?  


Religion naturelle et religion révélée

La religion naturelle

« Si les expériences, que je considère indispensables, ne valaient rien, il ne serait pas difficile de montrer pourquoi ; par contre si elles sont valides, alors en confortant la théorie, elles rendent toute objection infondée. » Isaac Newton

Newton était intimement persuadé de l’existence de Dieu, et il entendait par ce mot, non seulement un Etre infini, tout puissant, éternel et créateur, mais un maître qui a mis une relation entre lui et ses créatures.

Toute la philosophie de Newton conduit nécessairement à la connaissance d’un être suprême, qui a tout créé, tout arrangé librement. Car, si selon Newton (et selon la raison) le monde est fini, s’il y a du vide, la matière n’existe donc pas nécessairement, elle a donc reçu l’existence d’une cause libre. Si la matière gravite, comme cela est démontré, elle ne gravite pas de sa nature, ainsi qu’elle est étendue de sa nature : elle a donc reçu de Dieu la gravitation. Si les planètes tournent en un sens plutôt qu’en un autre, dans un espace non résistant, la main de leur créateur a donc dirigé leur cours en ce sens avec une liberté absolue.

 

La religion révélée et les Pensées de Pascal

Quand Pascal entreprend la rédaction de ce qui deviendra les Pensées, son but est moins de convaincre son lecteur de l'existence de Dieu par la raison (la foi ne peut être donnée que par Dieu) que de vaincre l'indifférence des non croyants. Inspiré par Montaigne, il montre la vanité et la misère humaine. C'est la vision de l'homme sans Dieu. L'homme ignore le bien, le vrai. Les lois sont relatives d'un lieu à un autre "Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà" c'est à dire que l'homme est incapable d'établir des lois justes. Tous ces thèmes sont inspirés de Montaigne.
" L'homme n'est qu'un roseau, dira Pascal, le plus faible des roseaux… mais c'est un roseau pensant. " Prendre conscience de sa propre misère ne manque pas d'une certaine grandeur. La connaissance a deux sources : l'homme peut connaître par la raison c'est à dire la pensée discursive, la faculté de l'universel. Malheureusement notre raison est finie et ne peut tout connaître. A cette finitude, supplée le cœur, connaissance immédiate et intuitive, participant de l'affectivité et permettant de saisir les premiers principes, les axiomes, mais aussi Dieu. Le cœur est la faculté du particulier et de l'individuel. C'est le sens de la phrase célèbre souvent comprise à contresens : "Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas." Au fond les choses surnaturelles sont connues par le cœur, alors que les choses naturelles le sont par le raisonnement et l'expérience. Chaque faculté ne peut légiférer que dans son domaine ce qui libère la physique de l'autorité religieuse mais soustrait aussi la théologie à la raison. Mais le cœur saisit aussi les premiers principes, les axiomes (c'est à dire les propositions évidentes, tellement simples qu'on ne peut les démontrer) des mathématiques. On voit donc que les deux ordres ne sont pas totalement séparés. La pensée donne une dignité à l'homme si elle nous fait méditer sur notre condition.
Le problème est que la plupart du temps nous nous dissimulons le tragique de notre condition et en particulier le fait que nous sommes promis à la mort par le divertissement . Le concept de divertissement ne doit pas être pris au sens trivial de la recherche des plaisirs mais en son sens étymologique. Se divertir, c'est se "détourner de". L'homme cherche à oublier sa condition mortelle, son néant, en occupant son esprit, en s'affairant. Ainsi les activités difficiles et sérieuses, consacrer du temps à un métier par exemple, constituent aussi bien des formes de divertissement que les plaisirs de la chasse, du sport, de la danse etc. Dès que notre esprit est inactif, dès que nous cessons d'être occupés, la conscience obsédante de notre vacuité, de notre néant surgit. L'ennui n'est autre que la prise de conscience de notre finitude et c'est pour y échapper que nous cherchons le divertissement. Telle est la condition de l'homme sans Dieu qui cherche dans l'activité factice à échapper à son angoisse et donc aussi à lui-même.
L'homme sans Dieu est déchiré entre l'attrait des plaisirs et la raison, entre ses sens et son besoin de vérité. Il y a une sorte de partage de la nature humaine : misère et grandeur de l'homme. Les sens, l'amour propre, l'imagination (maîtresse d'erreurs et d'illusion) empêchent le libre exercice de la pensée et ni l'infiniment grand, ni l'infiniment petit ne sont accessibles à notre esprit.
C'est seulement en Dieu que l'homme peut trouver un ancrage spirituel. Le Dieu de Pascal n'est pas celui des philosophes (l'horloger de Voltaire, le Dieu créateur permettant de comprendre intellectuellement que le monde existe) mais celui de la Bible devant qui tremble le pêcheur angoissé au sujet de son salut éternel. Le dogme du péché originel permet de comprendre les imperfections de l'homme tout comme sa dignité. L'homme a perdu sa nature mais conserve des traces de son état originaire.
Le célèbre argument du pari n'est en aucun cas une preuve de l'existence de Dieu. Il est surtout inspiré du calcul des probabilités (et notamment de la notion d'espérance mathématique) dont on sait que Pascal fut le fondateur. Si je parie en l'existence de Dieu et que Dieu existe, je gagne la félicité éternelle tout en n'engageant qu'une existence finie. Si je parie en l'existence de Dieu et que Dieu n'existe pas, je n'ai perdu qu'une vie finie. Au total j'ai donc la possibilité de gagner une félicité infinie et ne risque de perdre qu'une réalité misérable. Inversement si je parie que Dieu n'existe pas et qu'il existe, je perds la félicité éternelle, c'est à dire mon salut. Si enfin je parie que Dieu n'existe pas et qu'effectivement il n'existe pas, je n'ai gagné qu'une réalité finie. Au total je risque donc de perdre beaucoup en cherchant à gagner bien peu. Il est donc de mon intérêt de parier que Dieu existe. Ne pas le faire est une attitude suicidaire, contraire au bon sens. Certes nul ne peut acquérir la foi à volonté (Pascal le sait bien, à ses yeux elle provient de la grâce divine) mais nous nous devons au moins de supprimer les obstacles entre nous et Dieu pour permettre l'action de la grâce. Cela suppose la modération des passions, vivre avec piété, ce qui est le seul remède aux contradictions de l'existence.